A nos amours

par Christophe

A nos amours - Réalisé par Maurice Pialat en 1983


Synopsis

A seize ans, Suzanne vit dans une famille conflictuelle. Elle est proche de son père et partage avec lui des moments de complicité, mais il quitte la cellule familiale.

Ses rapports avec sa mère sont hystériques, teintés de jalousie, tandis que son frère prend la place du père et réprimande violemment Suzanne.  


 


Perdue, en manque de repères, elle se réfugie dans des conquêtes d’hommes plus âgés qu'elle : elle ne tombe jamais amoureuse. Bien qu’elle aime un jeune homme de son âge, elle refuse cet amour sans explication. 

Elle découvre avec lucidité et une certaine amertume qu'elle aime faire avec les hommes, c'est l'amour et rien d'autre. Le reste ne serait-il qu'ennui ou illusion ?


Quelques mots de plus (surtout que le synopsis est très court)

-       La première raison de revoir : la naissance d’une grande actrice

Au moment du tournage, Sandrine Bonnaire a le même âge que son personnage. Elle n’a pas fait de cinéma auparavant, mis à part une furtive apparition dans La Boum. Elle est vite déçue de cette première expérience. N’étant pas spécialement diplômée, ni issue d’une famille aisée, elle ne peut espérer percer dans ce monde.

Elle se donne une dernière chance : Le casting d’A nos amours. 

Son naturel, sa fraîcheur, son insolence et cette désinvolture transparaissent aux essais et conviennent à l'équipe du casting qui en fait part au réalisateur, déjà conquis avant même les essais. 

Cette liberté est bien illustrée par son arrivée dans le film sur la proue du bateau.

A noter que dans le milieu du cinéma, on ne misait pas sur sa longévité artistique, héroïne d’un film sans d’apparence d’un véritable jeu d’actrice. 

Sandrine Bonnaire nous démontre le contraire en 1985, avec son rôle de SDF dans Sans toit ni Loi d'Agnès Varda, ainsi que par la suite de sa filmographie.

Même derrière la caméra, je vous recommande de voir un de ses documentaires Elle s'appelle Sabine : le portrait de sa sœur, atteinte d’un handicap mental.


-       La deuxième raison : la mise en scène

Au départ, il est inspiré du roman de sa femme, Arlette Langmann, soeur du cinéaste Claude Berri, qui décrit une adolescente dans une famille dysfonctionnelle.

Si Maurice Pialat écrit son histoire et ses dialogues avant de tourner, il sait aussi laisser tourner la pellicule, au cas où un éclair de vérité naîtrait.

Plusieurs scènes sont tournées de façon quasi improvisée, mais tellement maîtrisée.

Les plus notables sont celle du dialogue père/fille parlant de sa fossette partie et des ratiches et celle du retour du père.

Il se sert d'anecdotes pour étoffer son scénario et régler ses comptes avec la bien-pensance (évocation d’une note 3/10 attribuée par la critique à son précédent film Loulou).

Pialat se questionne sur cette jeunesse à laquelle il avait déjà consacré deux films (L’enfance nue, Passe ton bac d’abord)


Nous avons l’image d’un réalisateur rude, bourru, voire tyrannique. Mais regardez comme ils aiment ses acteurs, et le rôle qu’il donne à une débutante (sans parler de la fidélité à ses techniciens) ! Autre preuve, il est également acteur dans son film : une façon de se mettre à leur niveau. 

Son cinéma dépeint la vie (il était peintre), elle est dure, âpre, sans artifice mais toujours sincère. 

Le cinéma de Maurice Pialat, comme celui de Robert Bresson auparavant, parle à de jeunes et futurs cinéastes : je pense notamment à Emmanuelle Bercot (La Tête haute), Cédric Kahn (Fête de famille) et bien Maïwenn (Pardonnez-moi, Mon roi, …)


-       Autres raisons diverses

Le contexte : 

Nous sommes en 1983 : le socialisme est pour la première fois au pouvoir, 1974 loi sur IVG, dernière année voire derniers mois de la libération sexuelle avec ses plaisirs avant que le SIDA n’apparaisse en 1983/84.  Une mention à Cyril Collard, acteur, metteur en scène et assistant-réalisateur sur Loulou de Maurice.Pialat, son film précédent.

Ce film a reçu le prix Louis Delluc, ainsi que les Césars du meilleur film et du meilleur espoir féminin.


Bonus

Sandrine Bonnaire et Maurice Pialat - A nos amours (1983) interview de Christian Defaye, sur le plateau de Spécial Cinéma, le 28 novembre 1983

Pour en plus savoir Maurice Pialat

Histoires de cinéma | Maurice PIALAT | FilmoTV : Histoires de cinéma | Maurice PIALAT | FilmoTV


Maurice Pialat par Serge Toubiana A l'occasion d'une rétrospective intégrale des longs métrages de Pialat (en copies restaurées par Gaumont), Serge Toubiana est venu nous parler de cet homme. A l'Institut Lumière le mercredi 13 mars 2013.


Notes personnelles

J’ai utilisé le documentaire Il était une fois … à nos amours de David Thompson pour étoffer mon coup de cœur d'anecdotes de tournage. Ce documentaire, présent sur le Blu-ray du film, m’a aidé pour écrire cette fiche. Il n’est malheureusement pas disponible gratuitement sur Internet.


Où voir ce film ?

Ce film est disponible sur  :


Amazon Prime (gratuit si vous êtes membre), ainsi que l'intégrale de ces longs métrages,

Sur la plupart des sites de vod. 

En dvd / bluray (avec de jolis bonus)

Sans oublieren prêt à la bibliothèque municipale de Grenoble.


Fiche rédigée par Christophe - 2021